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Assa Traoré, “Et moi, je marche”

Photo du rédacteur: Inter SectionsInter Sections

dans une vidéo récemment publiée sur la page Facebook « La vérité pour Adama », le regard intense, la voix ferme, le dos droit ; elle continue à « marcher ». La vidéo est tournée depuis le commissariat d’Ivry-sur-Seine dans lequel Assa apprend tout juste qu’elle fait l’objet d’une quatrième procédure policière . Mais Assa se reprend vite, presque mécaniquement, ce n’est pas elle qui est victime d’une tentative d’intimidation; non elle reformule, c’est la sœur d’Adama Traoré qui l’est. Car depuis maintenant trois ans, Assa Traoré mène le « combat d’Adama ». Adama, c’est son petit frère, mort le jour de ses vingt-quatre ans, asphyxié sous le poids des gendarmes et d’un système qui a décidé qu’il allait mourir.


• « Soldate malgré elle »

Dans son livre Le combat d’Adama, paru en 2019 aux éditions Stock et cosigné avec Geoffroy de Lagasnerie, Assa revient sur le 19 Juillet 2016, le jour où « sa vie bascule dans un autre monde » : Adama est retrouvé mort au commissariat de Persan (95340). Il est 17H lorsque les gendarmes, alors enquêtant sur une affaire d’extorsion de fonds, décident d’interpeller Adama. Manque de chance : Adama n’a pas ses papiers d’identité, qui se trouvent encore à la mairie, ce jour-là. Adama s’enfuit, il sait qu’il va se faire arrêter ; dans les quartiers le schéma est intériorisé : papiers d’identité= gilet par balles, pas de papiers = commissariat. Adama est retrouvé réfugié dans un appartement puis est maîtrisé par plaquage ventral, une technique interdite dans plusieurs Etats de droit, mais qui continue à être pratiquée en France. 3 corps, 250 kg : Adama succombe, il n’arrive plus à respirer. Mais Adama n’est pas emmené à l’hôpital, il est transporté menotté au commissariat, il s’urine dessus. Il est 17H46 quand les pompiers sont appelés, lorsqu’ils arrivent Adama ne respire plus. Son décès est déclaré à 19H05. Sa famille apprend sa mort à 23H.

Le lendemain, on dit qu’Adama Traoré est mort parce qu’il a pris de l’alcool et de la drogue. Il serait mort d’une maladie cardiaque, il aurait succombé à une infection grave… La famille Traoré renonce à voir le corps d’Adama. Non, ils ne le font pas, ils savent que s’ils le voient une dernière fois, s’ils pleurent le corps d’Adama, il ne pourra plus être soumis aux autopsies et aux contre-expertises. Ce jour-là, Assa et toute sa famille deviennent des « soldats malgré eux ». Bientôt, les résultats de la deuxième autopsie arrivent : Adama est bien mort asphyxié. Le combat commence.


• « Vérité et justice pour Adama », et au pluriel

Il s’agit avant tout de rétablir les causes véritables de la mort d’Adama. Car rétablir cette vérité, c’est aussi mettre en évidence les rouages d’un système répressif et autoritaire dont ont été victimes d’autres « Adama Traoré ». Mais cette vérité « gêne » : elle remet en question l’institution policière et son existence même au sein de l’Etat de droit.

L’on peut tous s’accorder que la police utilise la violence pour nous protéger. Ainsi les forces de l’ordre auraient-elle recours à la violence lorsque la violence est déjà présente dans les rapports sociaux. Or, dans le cas de l’affaire Adama et par extension des autres affaires : Théo, Zyed et Bouna…, la police inaugure ce que le sociologue et philosophe français Geoffroy de Lagasnerie appelle les cycles de violence. Au départ il ne se passait rien, Adama était tranquillement dans sa rue ; la police a créé de la violence là où il n y en avait pas. Sociologiquement parlant ; la police est alors responsable de tous les actes qui s'enchaînent dans le cycle. Mais légalement parlant ; la police exerce la possibilité, qui lui est donnée par l’Etat, de contrôler les passants et ce pour nous protéger des dangers éventuels. Cette pratique, qui selon les études se révèle inefficace, est contraire à l’essence même de l’Etat de droit. En effet, l’Etat de droit c’est avant tout la primauté de la réflexion sur les moyens employés avant les fins. Ainsi, cela supposerait que l’on arrive rationnellement à la conclusion selon laquelle un système qui ne générerait que des violences est inefficace. Aujourd’hui, nous sommes encore loin de ces conclusions, ces questions là gênent, et d’autant plus qu’historiquement les gouvernants se sont toujours rangés du côté des forces de l’ordre. Il n’est pas donc pas étonnant qu’Assa Traoré soit victime d’un acharnement judiciaire.


• « Même si on m’enferme vous devez reprendre le combat »

Dans sa lettre ouverte du 7 Octobre, Assa se montre plus que jamais déterminée à poursuivre la lutte malgré les procédures judiciaires menées contre elles et les multiples intimidations qu’elle reçoit. Assa est bien devenue le symbole en France de la lutte contre les violences policières mais elle ne veut pas être considérée comme la Rosa Parks française. Assa est une “rassembleuse”, il ne s’agit pas de son combat mais du combat d’Adama . C’est le combat de tous les autres Adama Traoré, c’est le combat de Théo, de Zyed et Bouna, de nous tous. Alors, continuons à « marcher pour eux ».


Salma El Aazdoudi

 
 
 

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