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La mémoire de l'esclavage en France: un impensé ou un cache-misère ?

Photo du rédacteur: Inter SectionsInter Sections

Pour fêter l'année 2020, le Pôle culture revient vers vous pour vous proposer une petite présentation de l'ouvrage La Mémoire Enchainée, questions sur l’esclavage de Françoise Vergès.


Ce petit post tombe à pic, cet ouvrage est centré autour de thématiques au programme de Culture Générale (l'Histoire, la Mémoire, Les Intellectuels, Nation et Identité Nationale)


Françoise Vergès est une politologue spécialiste de l’histoire coloniale et de l’esclavagisme. Elle est également militante féministe et lutte pour un féminisme au prisme des luttes décoloniales. Elle écrit son ouvrage La Mémoire Enchaînée dans un contexte politique particulier. Les années 1990 et le début des années 2000 en France correspondent à l’édition de lois dites « mémorielles ». Ces lois, dont la plus connue est la loi Gayssot, posent de véritables questions sur le plan historiographique : quelle légitimité du législateur (l’État) dans le fait de dire l’Histoire ? Quelle place donner à l’Histoire dans nos sociétés ?


Nous nous pencherons brièvement sur quelques-unes des pistes de réflexion tirées de l’essai de Vergès – comment et pourquoi aborder l’histoire coloniale et l’histoire de l’esclavage dans l’espace public français (hors du champ universitaire) ? Quelles traces restent-ils du passé colonial dans les DOM ?

On pourrait se contenter tout simplement de vous présenter cette citation tirée de l’introduction de l’ouvrage :

« Donner du sens à une citoyenneté, travailler à un récit national qui reconnaitrait la pluralité des récits, reconstituer le débat démocratique renouveler les concepts et la méthodologie pour parler de la traite de l’esclavage sont des voies possibles pour dépasser un enlisement où la mémoire est instrumentalisée au service d’intérêts particuliers, où la mémoire de l’autre est perçue comme prenant trop de place. » (p.11)


On va tout de même essayer d’aller plus loin. Tout d’abord, quel récit historique de l’esclavage en France ?

Force est de constater que l’histoire de l’esclavage n’est pas un sujet qui occupe grandement l’espace public en France. Vergès, à juste titre, regrette le fait que l’histoire de l’esclavage ne soit réduite qu’à une simple commémoration de l’abolition de l’esclavage (décret du 27 Avril 1848, accompagné d’un décret faisant de l’Algérie un département français). Mais alors que sait-on du système esclavagiste dans les colonies françaises ? On en retire de cette lecture (mais aussi de notre expérience réflexive à l’école, dans les musées, dans nos chers manuels d’histoire qu’on passe notre temps à ficher à Sciences Po ou en prépa…) que l’on en sait finalement peu. Mais aussi, que cette Histoire élude certains récits de cette époque, le récit des esclaves eux-mêmes, des peuples indigènes colonisés. Conservés dans certains documents traditionnels, à travers les récits oraux, ce ne sont pas des sources qui font l’objet d’un traitement au même titre qu’autres documents historiques.


Quelles sont les conséquences d’un tel « impensé historique » ? Premièrement, un malaise dans les sociétés des DOM, mais aussi un véritable débat qui se crée à partir de l’année 2005. Grâce à l’implication et la volonté politique de députés d’outre-mer, une première loi mémorielle, promulguée le 21 Mai 2001, tendant à la reconnaissance de la traite de l’esclavage comme un crime contre l’humanité permet néanmoins de faire entendre la voix de ceux que l’on a jusqu’alors peu entendus dans l’espace public. Cette loi va néanmoins se retrouver vivement débattue, en parallèle de la loi du 23 Février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Cette dernière a été vivement controversée en raison de son ingérence dans l’histoire coloniale mais aussi sur l’allusion dans son article 4 : « [au] rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. ». Cet article de la loi a été très contesté, jusqu’à sa suppression demandée par le président de l’époque Jacques Chirac en Janvier 2006. Mais on a souvent mis en comparaison cette loi avec la loi Taubira, qui sont accusées toutes deux de donner à voir des régimes de vérités historiques, soit des interprétations de l’Histoire, en dehors des faits. A ce titre, les accusations de communautarisme envers les associations et des conseils impliqués dans cette lutte pour la reconnaissance de l’histoire coloniale français sont nombreuses. Quelle place leur a-t-elle été donnée auparavant ? Contredire ces initiatives, n’est-ce pas à la fois nier l’histoire de cette population des anciennes colonies et de leurs ancêtres et nier l’implication de la France dans cette entreprise ? Il apparaît que c’est par soucis de vérité historique que nous devons reconnaître le travail des chercheurs, de la société civile et des populations d’outre-mer sur cette histoire méconnue.

 
 
 

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