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Les forces de l’ordre et les minorités: une violence ciblée ?

Photo du rédacteur: Inter SectionsInter Sections

Dernière mise à jour : 13 nov. 2019


Et voilà ! Le Pôle Culture vous présente son premier article, qui porte sur les violences policières et plus particulièrement sur l’ouvrage de Didier Fassin, La Force de l’Ordre, Une Anthropologie de la police des quartiers (2011).


Didier FASSIN est sociologue et anthropologue, il enseigne à l’université de Princeton aux États-Unis et est également directeur d’étude à L’École des Hautes Études en Sciences Sociales à Paris. Il a produit un certain nombre de travaux sur des thématiques diverses, mais on remarque dans ses écrits une prédominance des thèmes liées aux institutions judiciaires, aux forces de l’ordre, et à la morale d’État.

Entre 2005 et 2007, il a suivi des commissaires et des brigades de jours et de nuit de la BAC (Brigade Anti-Criminalité) en banlieue parisienne dans une démarche ethnographique. A la suite de ses observations et entretiens, FASSIN note l’urgence et la nécessité de publier tout cela non pas seulement à destination d’un public de pairs (c’est-à-dire de chercheurs comme lui, dans un langage abrupt et savant) mais de partager cela avec le grand public. C’est comme ça qu’il se lance dans l’écriture de La Force de l’Ordre, Une Anthropologie de la police des quartiers (2011).


· L’ethnographie : quésaco ?

L’ethnographie est une méthode des sciences sociales qui désigne l’étude descriptive des groupes humaines et de leurs caractères sociaux et anthropologiques. C’est donc un moyen d’enquête pour les chercheurs en sciences sociales, qui induit la prévalence de l’observation in situ des groupes et/ou individus. Ces derniers constituent alors un objet d’étude pour le chercheur.


· Les forces de l’ordre, un groupe intrinsèquement raciste ?

Didier FASSIN décrit le quotidien des brigades de la BAC, au bureau et dans les patrouilles, par le biais des observations et entretiens qu’il a menés sur une période de deux ans. Ce travail descriptif s’accompagne d’analyses centrées autour des situations d’interpellation, de la violence de la part des forces de l’ordre, de la question morale et des discriminations, entre autres. Bien que FASSIN utilise une littérature assez américaine (les chercheurs en sciences sociales américains ayant produit de nombreux travaux sur les forces de l’ordre) il rappelle que les manières de policer la société sont très distinctes en France. Il s’efforce alors de faire émerger des caractéristiques propres au contexte des banlieues et quartiers populaires français.


L’idée d’affirmer l’existence de discriminations raciales de la part des forces de l’ordre en France n’est pas une mince affaire. La question n’a pas beaucoup été traitée dans les sciences sociales au cours des dernières décennies, et l’interdiction de statistiques reconnaissant les individus sur leurs origines ne permet pas d’objectiver quantitativement ce fait. Pour autant l’enquête ethnographique nous permet de mieux comprendre, sur le plan des interactions et des schèmes de représentation qui sont dominantes au sein des force de police, les logiques à l’œuvre en termes de discrimination, et ce notamment raciale.


Racisme et discrimination raciale sont toutefois à différencier. Tandis que le racisme désigne la croyance en l’existence de race et d’attributs raciaux qui mènerait alors à une hiérarchie sociale organisée autour de cette idée de race, la discrimination raciale désigne des attitudes hostiles et des pratiques non justifiées. Le fait est que, il serait difficile d’affirmer que le racisme est une réalité objective au sein des forces de l’ordre. Toutefois, Fassin observe des mécanismes de racialisation qui sont à l’œuvre dans l’activité quotidienne des agents. Cela peut être purement descriptif, c’est-à-dire identifier quelqu’un comme blanc, noir, ou nord-africain afin de fournir des éléments d’identification. Cela prend une autre dimension quand il ne s’agit pas de simplement identifier les individus mais d’apposer à ces distinctions des représentations disqualifiantes. C’est par exemple parler des « shiteux » pour faire allusion aux personnes d’origine maghrébine. La logique d’entre-soi est très déterminante dans la possibilité de tenir de tels discours. C’est-à-dire que la plupart du temps, la racialisation et les préjugés racistes sont le plus souvent le fait de discours qui ne sont pas en réalité des pratiques effectives. On peut notamment se référer aux travaux du britannique P.A.J Waddington sur la « sous culture policière de cantine ». Finalement, au sens des sciences sociales, ce seraient plus des discriminations raciales qui sont à l’œuvre dans les interactions entre les individus et les forces de l’ordre.


Par ailleurs, Fassin rappelle que les manières d’agir des forces de l’ordre ne sont pas des logiques purement individuelles. Les trajectoires biographiques et les valeurs individuelles sont certes des éléments qui vont influencer les actions d’un agent des forces de l’ordre lorsqu’il est en exercice. Mais c’est plutôt l’institution policière (dans la formation, l’évaluation de l’efficacité de ses agents) qui est à l’origine ou qui en quelque sortes autorise et rend possible des violences, du racisme, etc. S’il peut y avoir des logiques discriminantes qui favorisent la racialisation des individus, ne serait-ce pas tout simplement le symptôme d’une institution policière et de la société en général qui crée et fait perdurer ces schèmes de représentation ?


De nombreuses autres conclusions et analyses sont faites dans ce bouquin de Fassin, notamment sur les violences au sein de l’institution policière, sur les interactions et les rapports de classe dans les relations entre police et individus, la politique, la démocratie. On ne vous a exposé qu’une petite partie, mais on espère vous avoir intéressés ! Des commentaires, des avis ? On t’invite aussi à venir partager tes idées et remarques directement en commentaires ou sur notre compte Facebook ou Instagram, ou à simplement venir t’exprimer durant nos différents évènements !


Jordan K.




 
 
 

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